Les Playoffs 1996 Chicago Bulls

Bulls 1995-1996 - les Playoffs : coup de tampon sur une saison historique

``It don’t mean a thing without the ring``

En avril 1996, les Bulls viennent de réaliser ce qui est à l’époque la plus monstrueuse saison régulière de l’histoire NBA. Le trio Jordan – Pippen – Rodman carbure à plein régime mais un autre défi se hisse au devant de ces Taureaux affamés : les Playoffs. Car une telle campagne n’aurait pas du tout le même saveur si jamais elle ne devait pas être couronnée par un titre de champion.

Le but ultime, dès l’été 1995, c’est le titre. Forts de leur record de 72 victoires, les Bulls attaquent donc les matchs couperets sans avoir perdu cet objectif de vue et ils sont prêts à en découdre, sûrs de leur force, mais surtout déterminés. Un état d’esprit qu’ils ne lâcheront pas tout au long de cette campagne, car comme ils l’affichent fièrement sur leurs t-shirts préparés pour l’occasion par Ron Harper “It don’t mean a thing without the ring”.

Cette année, alors que les Warriors venaient de battre cette marque des 72W, ils avaient là l’exemple parfait d’une post-season maîtrisée de main de maître pour terminer le travail et valider ainsi brillamment une saison régulière de tous les records. Mais ce que les Guerriers d’Oakland n’ont pas su faire c’est justement mettre ce coup de tampon comme les Bulls l’avaient fait en 1996. Il faut dire que ces Taureaux n’étaient pas un troupeau comme les autres….

Premier tour

Le Heat de Pat Riley et Alonzo Mourning : un plan sans accroc

Premier tour

Le Heat de Pat Riley et Alonzo Mourning : un plan sans accroc

Un peu plus tôt dans la saison, Chicago avait subi une de ses rares défaites à Miami contre le Heat que Pat Riley venait de reprendre. Après le match, Phil Jackson avait débarqué furieux dans le vestiaire chicagoan et avait pris ses joueurs à partie de la manière suivante : “Il ne faut plus jamais perdre contre ce gars”. L’ambiance de ce premier tour était posée… 

Sur le papier, ces Bulls au summum de leur art tant mentalement que collectivement ou individuellement n’avaient pas à avoir peur de ce Heat en début de reconstruction. Et si Phil Jackson avait parfaitement identifié le danger que représentait la présence sur le banc adverse de coach Riley, la menace sur les parquets l’était tout autant. Elle s’appelait Alonzo Mourning. Le pivot floridien venait en effet de terroriser les intérieurs adverses tout au long de l’année et Miami allait bien évidemment vouloir utiliser sa présence sous les cercles pour appuyer sur le seul point faible – relatif mais réel – des Taureaux : l’absence d’un vrai poste 5 dominant. 

Sur ce sujet, c’est Jim Cleamons – assistant en charge de la vidéo – qui est arrivé avec une analyse permettant la mise en place d’une stratégie. Ce bon vieux Cleamons avait bossé sur le jeu de Mourning en préparation de la série. Et lors d’une séance de visionnage mettant en évidence la fâcheuse tendance de “Zo” à prendre de mauvais tirs plutôt que de faire la passe quand il était pris à deux voire à trois, Cleamons parla en ces termes du pivot adverse : “Il veut être le héros”

Phil Jackson et les autres assistants opinèrent du chef. Ainsi, la décision fut prise de focaliser les efforts défensifs sur Mourning afin de l’empêcher par tous les moyens de prendre le match à son compte. Même si cela risquait de faire faire de nombreuses fautes aux intérieurs des Bulls comme le redoutait Tex Winter. Ce à quoi Phil Jackson répondra tranquillement : 
“Tout va bien. Nous avons 18 fautes à donner.” Le Zen Master pensait ici à ses intérieurs. Luc Longley en tête, Dennis Rodman ensuite puis Bill Wennington ou John Salley dont le rôle allait être de frustrer Mourning, de l’empêcher de peser en le mettant sous pression, en n’hésitant pas à faire faute sur lui, en ne le laissant pas prendre les positions qu’il affectionne. Bref, lui faire vivre un véritable cauchemar. 

Comme souvent avec ces Taureaux aux cornes acérées, la stratégie choisie par Phil Jackson et son staff sera appliquée à la lettre et s’avérera payante. Alonzo Mourning va passer un très mauvais moment tout au long de cette série. Il va scorer beaucoup moins et prendre un nombre de rebonds presque famélique pour lui. Les Bulls avaient réussi leur pari : faire du problème “Zo”, un détail. Et derrière cette défense âpre et visqueuse sur Mourning, Chicago va déployer ses armes : un Michael Jordan contre lequel l’arrière-garde du Heat ne peut absolument rien, un Scottie Pippen au four et au moulin comme toujours. Enfin, la surprise du chef : Tony Kukoc – le meilleur sixième homme de la saison – est titulaire. L’idée est de profiter des aptitudes au shoot et à la création du Croate pour faire exploser la défense floridienne. 

Dire que tout cela a marché ne serait qu’un doux euphémisme tant les Bulls ont dominé sans partage et de A à Z cette série. Aucun match n’a été serré, les écarts de fin oscillant entre 17 et 31 unités. Chicago a balayé Miami en trois manches, dans le sillage d’un Jordan à 30 points par soir et d’un Pippen en double-double de moyenne. Un plan sans accroc que John “Hannibal” Smith n’aurait pas renié et que le grand Mike avait parfaitement résumé en amont de la série tout en anticipant ce qui attendrait les siens au tour suivant : 

« Je pense que nous sommes plus intelligents que ce que Miami a anticipé. Ils vont essayer de pourrir le match physiquement et mentalement. Pour avoir affronté les Knicks depuis des années, nous savons qu’ils pourrissent le match en jouant très physique et essayent de nous éloigner de ce que nous voulons faire. Nous n’allons pas tomber là-dedans. »

Effectivement, il en faut beaucoup plus pour impressionner Jordan, Pippen et consorts et les voilà qui viennent d’avaler quelques petits amuse-bouches mais les Taureaux ont faim maintenant…

Deuxième Tour

Les Knicks : la guerre de tranchées

Deuxième tour

Les Knicks : la guerre de tranchées

Et cet échauffement est une bonne préparation pour ce qui les attend au tour suivant. En effet, ce sont donc leurs amis des Knicks qui se présentent face à eux, avec la promesse d’une belle guerre de tranchées à venir. Phil Jackson le sait : “nous savions que ça allait être ce genre de série et que nous allions au devant d’une véritable bagarre de rue.” Il faut dire que le passif entre les deux équipes est chargé. Lors du premier Three-peat, les Bulls sont passés à chaque fois sur le corps de Pat Ewing et les siens sur le chemin du titre, dans des confrontations épiques. Et en 1994, les hommes de Big Apple ont enfin vaincu leurs rivaux, profitant de l’absence de Michael Jordan pour s’offrir un voyage jusqu’en Finale. Ce dernier n’a d’ailleurs que peu goûté la tournure de la confrontation, même à distance. Il a les crocs, envie de vengeance. Il veut prendre sa revanche, celle de l’aîné qui a vu ses petits frères maltraités. Même si dans le sillage de Scottie Pippen les Bulls avaient tenu la dragée haute aux brutes new-yorkaises, cela n’avait pas suffi et Jordan sait bien qu’il avait laissé tomber les siens. Il devait donc remettre les pendules à l’heure. Pour couronner le tout, les Knicks ont également infligé aux Taureaux leur plus grosse défaite au cours de la saison régulière écoulée, un 102-74 au Madison Square Garden qui pique encore au moment d’appréhender cette demi-finale de conférence.

C’est dans ce cadre-là que la série débute, symbole du basket rugueux et défensif de la Conférence Est des années 90. Des matchs souvent dégueulasses, mais qui trouvent leur beauté à travers cette intensité et cet engagement qui en ont fait des classiques. Car même s’il y a du respect en dehors du parquet, sur le terrain c’est une toute autre histoire et le trio Jordan-Pippen-Rodman ne peut pas encadrer le jeu des Knicks. Qui, de leur côté, ne supportent plus de passer après Chicago. Ils veulent leur titre et ne vont pas baisser les yeux face aux Bulls, bien au contraire.

On sort donc les muscles, on aiguise les crocs et on ouvre bien grand les bouches. Fans du basket champagne ? Passez votre chemin, les joueurs ne sont pas là pour le spectacle mais pour cogner plus fort que l’adversaire. Le Marquer ; physiquement; moralement. Le détruire. Après chaque action, chaque coup de sifflet, on se toise, on s’invective, on s’insulte. Parler d’électricité dans l’air serait bien trop réducteur. Vingt-deux techniques seront distribuées plus une flagrante lors des cinq matchs, alors qu’à cette époque les arbitres n’avaient pas la “T” aussi facile qu’un shoot de Stephen Curry..

“Des choses seront dites. Certains gars vont en rire. D’autres vont pleurer. Je pense qu’il [Patrick Ewing] pleura.” – Ron Harper

À ce petit jeu de la provocation, les Knicks possèdent de belles armes. Charles Oakley l’ancien de la maison Bulls justement. Il passe sa série à tchatcher, essayant de rentrer dans la tête de ses adversaires pour les faire sortir du match. Anthony Mason et ses bras énormes, utiles aussi bien pour faire sa place au poste que pour cogner. John Starks incapable de la fermer, dont les fils peuvent se toucher à tout moment pour le faire dégoupiller. Patrick Ewing. Et tant d’autres, moins connus mais pas plus tendres. Le tout encadré par une stratégie calquée dans l’intensité défensive sur les Bad Boys des Pistons, pour devenir à leur tour le cauchemar des Bulls. Sauf que dans l’Illinois, ce ne sont pas des lapins de six semaines. La leçon a été digérée, et on ne donne pas sa part au chien non plus quand il s’agit de bomber le torse, de mordre et de jacter avec son adversaire. Michael Jordan et Scottie Pippen sont déjà sortis du piège de Detroit par le passé, ils ne retomberont plus dedans, surtout quand cette année ils ont à leurs côtés d’anciens bourreaux comme John Salley ou James Edwards, heureux de profiter de voyage et poètes des temps modernes. Le premier explosera d’ailleurs Derek Harper sur un écran bien senti, surtout par l’intégralité du squelette du meneur vétéran. Sans oublier bien entendu Dennis Rodman, dans son élément quand la foule gronde, que les coups pleuvent et que le vice devient une qualité recherchée. Retourner un cerveau, il connait. Quant à Ron Harper, New York l’a certainement négligé, mais son sourire narquois dans ses belles performances qui feront en partie oublier l’absence de Tony Kukoc (absent à partir du troisième match) illustre bien qu’il a su prendre la température de l’événement pour répondre présent. Non seulement il aura, comme d’habitude, brillé en défense et fait le sale boulot pour faire pencher les petits détails du bon côté, mais son apport offensif mérite d’être souligné puisqu’il est devenu la troisième menace des siens. Extinction de John Starks tout en scorant, le soldat parfait. Sauf lors du troisième match, le seul perdu par les Bulls. Il aura fallu une prolongation, le numéro 3 new-yorkais en feu, un Charlie Ward d’exception, l’absence de Tony Kukoc, Pat Ewing enfin clutch et le duo Jordan-Pippen très peu aidé pour que les Knicks parviennent à gratter une manche. Un alignement des planètes qui ne se reproduira plus et un accroc vite oublié lors de la rencontre suivante, 24h plus tard. “The Beast of the East” et sa silhouette caractéristique ont beau se dresser devant les Taureaux, refusant d’abdiquer, de perdre une fois de plus contre ses coéquipiers de la Dream Team, il ne peut pas se mettre plus longtemps sur leur route. Les hommes de Phil Jackson retrouvent les rives du Lac Michigan pour boucler la série, au grand dam d’un Spike Lee chambré par Michael Jordan himself qui lui adresse un petit signe de la main pour lui dire au revoir.

Les Bulls sont victorieux certes, mais les Knicks n’ont pas à rougir. Ils se sont frottés au summum du basket et perdent finalement avec un écart de 6 points en moyenne sur l’ensemble de la série. Une broutille. Et la désagréable sensation que tant qu’en face, le numéro 23 sera présent, il causera leur perte et dictera sa loi, imposant sa classe au milieu des muscles, peu importe qui défend sur lui. Une occasion de plus pour lui de chambrer, la victoire en poche.

Le dernier mot ou presque revient à Dennis Rodman : expulsé pour sa seconde faute technique de la soirée, il sort sous les houras d’une foule haranguée par Scottie Pippen, admiratif du travail effectué par le tatoué. Dennis passe devant le banc des Knicks, glisse quelques paroles dont on devine aisément la teneur à Jeff Van Gundy et ses remplaçants, avant de jeter son maillot au public du United Center déchainé par tant de passion. Vite, la douche, sa fête d’anniversaire l’attend. Un peu de répit après cette lutte acharnée et avant de s’attaquer à d’autres gros bras, ceux que Shaquille O’Neal au tour suivant.

“Chaque match joué contre eux, nous essayions de leur envoyer un message. Nous voulions être sûrs qu’ils ne nous prennent rien. Tant que Pat [Ewing] serait là, tant que Charles [Oakley] serait là, tant que John [Starks] serait là. C’est comme se battre avec son frère, vous devez leur faire savoir qui vous êtes. Ce qui vous appartient. Je m’en tape de qui tu penses être, ta place est ailleurs.” – Michael Jordan

“Nous voulions leur défoncer la gueule d’une telle force. Nous le voulions tellement parce qu’ils avaient ouvert leurs bouches salement la saison précédente. On espérait une revanche, et quand on l’a finalement eu, on leur a mis une raclée.” – Ron Harper

Finale de Conférence

Le Magic de Shaq et Penny Hardaway : revanche sous forme de coup de balai

Finale de conférence

Le Magic de Shaq et Penny Hardaway : revanche sous forme de coup de balai

La revanche tant espérée va donc avoir lieu. La jeune garde du Magic se présente devant Jordan et les siens pour s’offrir une seconde Finale NBA consécutive et montrer que certes l’avenir peut leur appartenir, mais le présent aussi. La performance de l’an passé n’était pas un accident. Dans un registre différent des Knicks, moins expérimentés mais plus insouciants, ils n’ont pas peur.

Les Bulls peuvent-ils douter face à l’équipe qui leur avait mis un coup de pied aux fesses en 1995 ? Le fantôme du numéro 45 peut-il hanter Michael Jordan ? Shaq peut il détruire la raquette des Bulls ? Très rapidement, ces trois interrogations trouvent une réponse et celle ci est négative.

Un an plus tôt, le Magic brisait les rêves de retour glorieux de MJ, en faisant passer un message : “Merci d’être revenu vieux, mais ton époque est finie.” De l’eau a coulé sous les ponts depuis, mais le choc n’en est pas moins attendu, car malgré ce record de 72 victoires, certains observateurs se posent encore des questions sur la capacité des Bulls à taper Orlando sur une série. Les joueurs du Magic eux-mêmes sont persuadés qu’ils auraient pu approcher cette marque d’ailleurs sans la blessure de leur pivot en début d’exercice. Qu’en pensent les Taureaux ?

Le doute, ce roster ne le connaît pas, gonflé à bloc par ses prestations depuis le début de saison. Le numéro 45 est loin. Jordan est redevenu le boss de la planète basket, et il est en mission. Il sait qu’il a flanché l’an dernier au moment où tout le monde l’attendait, quand il fallait plier les matchs. Cela ne se reproduira plus. Quant au Shaq, il va devoir faire face à la viande envoyée sur le parquet par Phil Jackson, mais surtout à un Dennis Rodman exceptionnel défensivement qui sait maintenir le mastodonte loin du cercle grâce à ses jambes solides et rapides, mais aussi son haut du corps tout aussi costaud pour résister aux assauts du tank, l’obligeant à tirer quand d’autres se font enfoncer pour prendre un dunk sur la tête à chaque action. L’absence d’Horace Grant pèse forcément dans la balance, lui qui arrive diminué et quitte les siens après un choc avec O’Neal lors du premier match, rendant la tâche moins ardue pour le tatoué des Bulls qui n’a plus qu’un lascar à contenir. Game over, série over, saison over pour le Binoclard. Mais cela n’explique pas tout.

En effet, il ne faudra pas longtemps pour s’apercevoir que ces Bulls n’ont rien à voir avec ceux de 95, pour ceux qui en doutaient encore. Pas longtemps pour se rendre compte que la série aurait une toute autre saveur. Pas longtemps pour en connaître l’issue, même si le coup de balai à venir choque encore vingt ans plus tard. Peu importe ce que tente le Magic -le plus souvent de manière individuelle en s’appuyant sur Penny ou Shaq- cela ne suffit pas à déstabiliser Chicago sur le durée. Il y a bien eu ce Game 2 où Orlando a profité de la léthargie des Taureaux, encore endormis par la remise du titre de MVP de la saison régulière, jusqu’à compter 18 pions d’avance dans le troisième quart-temps. Un gouffre ? Un léger sillon tout au plus, que les Bulls combleront en posant des barbelés sur lesquels les joueurs de Brian Hill exploseront les uns après les autres, et ce jusqu’à la fin de la série. Une mixtape défensive à montrer dans toutes les écoles de basket : intensité, agressivité, rotation, prises à deux… tout y passe et le Magic ne sait plus où donner de la tête, pris dans la tenaille. Et en tentant de répondre à Chicago en rentrant dans le jeu des hommes de l’Illinois, c’est encore pire, Orlando ne sachant pas jouer -contrairement aux Knicks lors du tour précédent- ce basket dur et défensif. L’agacement se voit, et la jeunesse perd pied face à l’expérience de Bulls supérieurs dans tous les domaines, seuls Shaq et Penny surnageant dans le massacre. Dennis Scott et Nick Anderson ? Incapables d’être bons sur la durée ou en même temps, ils ne pèsent pas en attaque et le souvenir de “Nick the Brick” des Finales face à Houston refait surface. La stratégie mise en place par Phil Jackson fonctionne, comme souvent : on laisse Shaquille O’Neal et Anfernee Hardaway faire leur boucherie, on blinde le reste. Les deux stars envoient 62% des 84,8 points DE MOYENNE du Magic sur la série et l’équipe ne tourne qu’à 16 passes par rencontres. Vous avez dit isolés ? La meilleure attaque des Playoffs au moment d’aborder la confrontation face aux Bulls est détruite, réduite au simple rôle de faire-valoir de la maîtrise défensive chicagoane.

Après trois premières victoires, Chicago ne compte pas traîner en route et veut boucler la qualification au plus vite pour se ménager un peu de repos avant les Finales. Le public du Magic attend pour sa part un sursaut d’orgueil pour éviter un troisième sweep consécutif en Playoffs. Mais la bête est blessée. Au sens figuré, puisque les hommes de Brian Hill souffrent face aux Bulls, mais aussi au sens propre puisque Horace Grant, Brian Shaw et Nick Anderson manquent à l’appel lors du dernier match. Diminués, ils sont dos au mur mais ils vont vendre chèrement leur peau. Du moins dans la mesure qui est la leur à ce moment-là, car lorsqu’on voit Jon Koncak ou Anthony Bowie titulaire côté Magic, on craint le pire. Pas de quoi impressionner les Bulls bien sûr, ni les attendrir non plus. Les prédateurs sentent l’odeur du sang et veulent achever leur proie. C’est ce que Michael Jordan a fait, ne prenant même pas le temps de jouer avec sa prise, préférant lui donner le coup de grâce pour en finir au plus vite et se reposer.

Certes, la défense des Bulls laisse un peu plus respirer Orlando lors de l’ultime rencontre, mais ce sont les dernières bouffées d’air d’une équipe à l’agonie et d’un effectif qui n’existera plus. L’attitude hostile de la foule n’y change rien, ni l’intensité mise d’entrée par le Magic. L’expérience est du côté des Bulls qui connaissent ces soirées chaudes et qui savent mettre en marche la climatisation pour calmer tout le monde, sans s’affoler. Jamais dans cette série ils n’ont paru douter. À l’inverse, le “Next Big Thing” n’a jamais franchi le cap qui fait basculer le potentiel en un titre, alors que dans l’Illinois, la frustration a nourri les ambitions pour retrouver les sommets. La vengeance est un plat qui se mange froid, et même cru sur cette série. On dit que l’appétit vient en mangeant, les Taureaux ont la dalle après avoir dévoré Shaq et ses boys. Les Sonics sont prévenus.

Finales NBA

Les Sonics de Payton et Kemp : “This is for Daddy”

Finales NBA

Les Sonics de Payton et Kemp :
“This is for Daddy”

Ces Finales, tout Chicago les attend. Ces Finales, tout Seattle en rêve depuis plusieurs années. Les deux escouades ont cartonné en saison régulière. Elles possèdent des effectifs complets et si les Bulls viennent de passer la barre de 70 victoires pour la première fois de l’histoire NBA, les Sonics ont eux remporté 64 de leurs matchs – un record de franchise – pour finir en tête de la Conférence Ouest avec le deuxième meilleur bilan de la Ligue. L’excitation est donc à son comble à l’aube de cette ultime série…

Mais, au milieu de cette effervescence, deux hommes ont les sourcils froncés et le regard noir car ils ont conscience d’être devant des défis gigantesques, les plus grands de leurs carrières très certainement. Gary Payton vient d’être élu meilleur défenseur de l’année, il s’apprête à disputer ses premières Finales et aura face à lui – dans les lignes arrières – le meilleur attaquant de l’histoire, en quête de revanche et cherchant à boucler un come-back monumental. Michael Jordan, MVP de saison régulière pour la quatrième fois de sa carrière – n’a qu’une idée à l’esprit : prouver une fois pour toute qu’il est bien le boss en gagnant une nouvelle bague. Pour cela, Mike va devoir surmonter une grosse dose d’émotion et de pression ainsi que la défense tout aussi rugueuse que collante de “The Glove” et sa clique.

Très déterminés, concentrés comme jamais et usant de toute leur expérience de ce genre de situation, les Bulls furent à deux doigts de faire tourner très court cette série disputée sur le format 2 – 3 – 2 (les deux premiers matchs à Chicago, puis 3 à Seattle et, enfin, 2 à Chicago)…
Malgré un Shawn Kemps très solide (32 points et 8 rebonds), les Taureaux ont avalé les Sonics sans faire de détail lors du match 1 dans le sillage d’un duo Jordan – Pippen impérial. Et surtout, comme un symbole, le teigneux Frank Brickowski n’a tenu que deux minutes sur le parquet. Son rôle était de jouer les trouble-fêtes, de provoquer et faire sortir Rodman de son match pour déséquilibrer cette équipe de Chicago. Mais en termes de provocation, on ne la lui fait pas à l’ami Dennis car il est lui-même un maître dans l’art de rendre fous ses adversaires. Et c’est l’intérieur des Sonics qui va tout d’abord se faire siffler une faute flagrante pour un coup de coude sur une lutte au rebond entre les deux hommes. Rodman joua ensuite le gentil garçon ce qui énerva beaucoup Brickowski qui se mit à échanger des mots d’amour avec l’ailier-fort des Bulls et un membre du staff chicagoan. Résultat : une double technique et expulsion pour “Franky”. Rodman lui, gobera 13 rebonds sur ce match…

Puis, en défendant le plomb du début à la fin du Game 2 dans leur mythique United Center, les Taureaux ont débarqué à Seattle avec deux victoires en poche tout en semblant toujours aussi affamés.  Et, en ce 9 juin 1996, les hommes de Phil Jackson vont semer la terreur dans tout l’état de Washington car ils vont imposer à ceux de George Karl leur plus sévère défaite de toute cette série de Finales. 108 à 86. 22 points dans le museau alors que les Sonics étaient censés avoir le couteau entre les dents pour cette troisième rencontre, la première dans leur arène. Un véritable coup de tonnerre avec en prime une expulsion, celle de… Frank Brickowski après avoir poussé… Dennis Rodman.  

A ce moment-là, l’escouade de Seattle semble avoir totalement perdu son calme et donne l’impression de ne pas avoir le mental pour tenir. La plupart des observateurs commencent même à se demander si ces Finales ne vont pas partir en sweep. Après tout ce ne serait que le troisième coup de balai infligé par ces Bulls dans cette campagne de Playoffs !
Mais ce serait mal connaître Gary Payton et sa bande que de croire qu’ils allaient lâcher aussi facilement. Et, au prix d’un effort défensif considérable sur Michael Jordan de la part du gant le plus connu de NBA, les Sonics se sont réveillés violemment en infligeant une lourde défaite aux Bulls dans le game 4 puis en remettant ça, certes moins largement mais avec la victoire au bout dans le suivant. Seattle venait de se remettre dans le droit chemin et de relancer le suspense de ces Finales.

Pour autant, la série retourne à Chicago et c’est dans un United Center en fusion que les Sonics vont devoir gagner s’ils veulent rester en vie un peu plus longtemps. C’est un match 6 très tendu, très défensif que vont nous offrir les deux équipes. Jordan n’est pas dans un grand soir au tir (5/19). Sa Majesté ressent-elle la pression ? Non, il s’agit d’autre chose… Toujours est-il que c’est un très bon Pippen et un monstrueux Rodman (9 points mais 19 rebonds avec 5 passes décisives et 3 interceptions) qui vont mener les Bulls vers une victoire synonyme de titre.

Explosion de joie dans la salle. Mais sur le parquet, Jordan – très heureux évidemment – est envahi par une intense émotion. Il prend rapidement dans ses bras Phil Jackson et Scottie Pippen avant de prendre le ballon du match, de rester quelques longues secondes prostré dessus au milieu du terrain puis de filer dans les vestiaires où on le retrouve allongé, pleurant toutes les larmes de son corps en serrant cette balle contre lui. Le plus grand joueur de tous les temps venait de réussir le plus grand come-back jamais réalisé à un tel niveau de sport mais il avait besoin de “quitter la salle pour être lui-même” avant de dédier cette victoire à son père, assassiné quelques années auparavant :

“This is for Daddy / C’est pour mon père. Ce titre est le plus beau. Je lui dédie. Peut-être que je n’ai plus autant confiance en moi que par le passé. Peut-être que l’absence de mon père domine le reste.”

Invincibles...

Il faut dire qu’en ce 16 juin 1996, Jordan et ses Bulls venaient de gagner le titre le jour de la fête des Pères. Tout un symbole… Plus qu’un symbole, ce titre fut effectivement le signe incontestable de la domination toujours bien présente du grand maître du basket à qui le trophée de MVP des Finales fut remis.

Et au-delà de l’immense émotion procurée par cette victoire, Chicago validait ici une saison régulière mythique par une campagne de Playoffs entachée de seulement trois défaites ce qui n’empêchait pas Michael Jordan d’avoir encore faim pour la suite. Le boss ne voulait pas s’arrêter là… D’ailleurs, ce titre fut également la conclusion du premier opus d’un deuxième Three-Peat en 6 ans pour ces Bulls invincibles. Oui, invincibles, c’est bien le mot…

30,7

Scoreur inarrêtable

MICHAEL JORDAN

Avec 30,7 points par match à 46% au tir dont plus de 40% derrière la ligne à 3-points, Michael Jordan a terminé meilleur marqueur de ces Playoffs. Sa Majesté finit très loin devant Karl Malone (26,5), Shaquille O’Neal (25,8) et Charles Barkley (25,5).

47

Chapardeur en chef

SCOTTIE PIPPEN

Avec 47 interceptions (2,6 par match), “Pip” est numéro 1 de cette catégorie sur cette campagne de post-season. Il a encore excellé sur les lignes de passes ou directement dans les poches de ses adversaires, volant de nombreux ballons grâce à ses bras tout aussi agiles et précis qu’interminables.

13,7

Patron du Rebond

DENNIS RODMAN

Avec 13,7 prises par rencontres, Dennis Rodman a été le meilleur rebondeur de ces Playoffs. Symbole de cette domination, lors des Finales, il a pris – à lui seul – autant de rebonds (88, soit 14,7 par soir) que le duo d’intérieurs adverses constitué de Shawn Kemp (60 prises, soit 10 par soir) et Sam Perkins (28, soit 4,7 par soir).

86,8

Les taureaux enragés

DÉFENSE DE FER

Avec 86,8 points concédés par match, les Bulls ont proposé la meilleure défense de ces Playoffs. Chef de file de cette défense, Pippen possède le meilleur “defensive rating” avec 96,1 concédés sur 100 possessions quand il est sur le terrain.

Crédits

Textes par David Carroz et Alexandre Martin
Mise en page et structure par Julien Pottier
Visuels équipes par Léonce Barbezieux
Images de Couvertures et de fin : YouTube